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La Légende de l’élixir de jouvence
La légende raconte que la beauté elfique réside dans un élixir dont la recette se transmettait de génération en génération. Sa production relevait du miracle : deux fleurs rares composaient les principaux ingrédients de cette recette millénaire. Elles ne fleurissaient qu’une journée. L’une poussait sur l’écorce d’un érable de la forêt du nord. L’autre s’épanouissait au sein de l’humide mousse des bois du sud. Avec un bon destrier, il ne fallait pas moins d’une semaine pour rallier ces deux endroits. Le peuple des bois avait donc réalisé ce tour de force, rassembler les deux fleurs, grâce à l’ancienne technologie des portails magiques ; permettant le voyage instantané d’un endroit vers un autre même distants de centaines de lieux.
L’elfe referma le livre alchimique, duquel émana un nuage de poussière. À deux jours de son mariage, la demoiselle aux oreilles pointues semblait prête à tout pour resplendir aux yeux de son futur époux. Glissant le vieux grimoire dans sa besace en lin tissé, elle fit le tour de tous les anciens du village en quête de pistes pouvant la mener jusqu’au fameux portail des bois du sud.
Quelque part plus au nord, un elfe, cadet de sa fratrie, cherchait le plus beau cadeau d’anniversaire pour les cent ans de sa mère. Lorsqu’il entendit parler de l’élixir de jouvence, un soir au coin du feu, cela ne faisait aucun doute : il tenait là l’idée du siècle. Il prit donc la direction des ruines prétendues renfermer une arche magique, en quête des fleurs éphémères.
Elle marcha une journée pour atteindre les ruines mentionnées par les anciens. Il monta un hamac pour la nuit. Elle se coucha tôt, bercée par le balancement du hamac et les lueurs incandescentes du ciel nocturne. Mais il eût du mal à trouver le sommeil, maintenu éveillé par l’excitation de ses futures découvertes. Elle se leva avec le chant des passereaux et démonta sa couchette en attendant d’y voir plus clair pour démarrer l’exploration. Il arpenta les ruines, dédale de demi-mur et de puits, détaillant chaque arche en pierres croisées à l’affût de la moindre trace de runes magiques. Elle mémorisait soigneusement chaque intersection pour ne pas se perdre ni perdre du temps à revisiter les culs-de-sac déjà explorés. Il s’arrêta au pied d’une fine voûte de la taille d’un homme. Mais après traduction des runes figurant dessus, elle délaissa cette simple arche décorative qui servait à souhaiter la bienvenue aux visiteurs. Il fit demi-tour, se sentant alourdi par la lassitude. Elle marchait avec nonchalance lorsque le sol, ou plutôt un tas de branchage et de feuilles mortes craquèrent sous son poids. Il tomba dans un puits dissimulé, sain et sauf grâce à un tapis végétal. En se relevant, elle découvrit une arche en fer aux contours lisses, plus haute qu’un homme, surplombée d’une grosse gemme rouge. Il n’y avait pas de doute, il était convaincu par cette trouvaille. Le portail magique se dressait là, devant elle, inerte et froid. Le manuscrit ne mentionnait pas la forme ou la nature de l’arche, mais uniquement la manière de lire ses runes afin que l’incantation révèle et réveille sa magie.
Il s’éclaircit la voix et prononça la formule haut et fort. Elle répéta encore une fois, constatant l’absence d’effet. Il vérifia l’incantation et recommença. Elle laissa l’écho de sa voix disparaître en saccades, observant pensivement l’arche. Il se résigna à une dernière tentative. Les derniers mots résonnèrent de chaque côté de l’arche. Ressentant une présence, elle se décala face à l’arche, constatant sa surface auparavant vide se remplir d’un liquide miroitant libre de toute pesanteur. Dans ce liquide, il observa son reflet qui pourtant ne lui semblait pas parfait. Les ondulations de l’interface magique devaient être la cause de cette déformation. En s’approchant d’avantage, elle observa la silhouette lui faisant face : chevelure dorée, oreilles effilées, légèrement plus grande et plus large qu’elle.
Portail Magique : Permet de faire communiquer les cartes adjacentes au portail. Il supposa un effet loupe dégrossissant due à la nature aqueuse du mana et vérifia en plongeant sa main dedans. Elle recula brusquement en poussant un cri court et strident, comme poussée par cette main surgie du portail. Il hésita puis plongea la tête entière pour découvrir d’où provenait ce cri. Elle réalisa alors que sa réussite ne résidait que dans une improbable synchronisation avec son congénère. Il acheva de changer de lieu et lui proposa un marché : rendez-vous à la même heure du jour le lendemain, les bras chargés de la précieuse fleur d’érable pour l’un, de mousse pour l’autre. Elle accepta sans hésitation et s’engagea également à faire chaudron commun pour concocter le précieux nectar et partager leur réussite à deux.
La légende raconte que la beauté elfique réside dans un élixir dont la recette se transmettait de génération en génération. Plus que la beauté, cette mixture promettait également une alliance pérenne entre deux factions éloignées. Elfes du nord et du sud étendirent leurs échanges sur bien des domaines : savoir-faire, matériels, apprentis, culture, jeunes amoureux et anciens compagnons de guerre.
Aslaug – Contes & légendes* L’illustration de cette Légende représente une alliance entre deux peuples Elfe.
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Retrouvez nous au FIJ 2022
Le compte à rebours est lancé ! Retrouvez nous dans 3 semaines sur le stand 17.05 de notre distributeur Atalia pour la sortie en avant première d’Aetherya 🤩 ainsi que la présentation de Sa-Rê et Rivality qui sont en fin de développement ! -
La Légende des plaines de l’Ouest
La légende raconte que les grandes plaines de l’ouest sauvèrent l’héritier du trône. Des marécages en bordaient les flancs orientaux. Le sol tremblait. Le paysage vallonné se tintait des teintes dorées des céréales d’été. Le sol tremblait. Un talus de terre marquait la frontière entre les plaines et les marais. Le sol tremblait. D’un bond athlétique, un étalon franchit la butte, poursuivi de silhouettes canines tout aussi agiles. Le cavalier éperonnait avec énergie les côtes de sa monture.
À ses talons, cinq gobelins juchés sur des loups agitaient des frondes. Le sol terreux plus stable permettait au cheval de distancer les poursuivants, contrairement à la surface boueuse de l’habitat de prédilection des gobelins. L’homme ne se retournait pas, déterminé à échapper à l’embuscade qui avait eu raison de sa troupe.
Une pierre rata son épaule gauche. Un grognement d’indignation résonna et d’autres pierres suivirent. Un sifflement à sa gauche l’incita à se coucher sur l’encolure de sa monture. Il ne put esquiver la suivante. Le fragment de roche arrondi percuta sa tempe droite, emplissant son crâne de sifflements et brouillant sa vue. Il se cramponna au pommeau de sa selle, les yeux clos, ignorant le sang sur sa joue qui imprégnait aussi son col. Il tentait de recouvrer ses esprits. L’étalon galopait à vive allure. Les crocs des loups affamés claquaient non loin de sa croupe.
Un grondement plus grave redonna espoir au chevalier. Les loups se dispersèrent lorsque la foudre frappa le sol. L’étalon, lui, garda son cap, rassuré par la caresse bienveillante de son maître. À contre cœur, celui-ci abandonna ses pièces d’équipement métallique et dirigea sa monture droit vers les denses nuages noirs. Par des cris stridents, les gobelins tentaient de réorienter leurs bêtes apeurées.
Le vent tomba, une lourde averse trempa le sol et étouffa les bruits de la course poursuite. Découragés et dispersés, les gobelins cessèrent la traque. Le cavalier continua seul, dans un galop moins soutenu, cachant son visage avec sa capuche afin de La silhouette d’un manoir se dessina à l’horizon, isolé au milieu de la plaine. Un abri parfait pour passer la nuit et panser sa plaie. Le lierre sur la façade et les fenêtres sombres et opaques attestaient de l’abandon des lieux. La porte d’entrée ornée d’un frappoir suspendu à une gueule de loup fut difficile à ouvrir. Les gonds grincèrent avant de céder. Le blessé entra ainsi qu’un filet de lumière, mettant en évidence la poussière en suspension. Un plancher massif en bois sombre et des tableaux aux murs témoignaient de la richesse des anciens propriétaires. La famille de noble semblait l’épier depuis la peinture ternie accrochée dans l’entrée. La fenêtre du salon offrait suffisamment de lumière pour éviter d’avoir à allumer un feu. Une grande banquette garnie de coussins en plumes ferait parfaitement l’affaire pour prendre du repos. Un miroir fendu trônait au bout de la grande tablée. Le prince profita de ce moment calme pour nettoyer sa plaie entre l’arcade sourcilière et la tempe. De vieux chiffons déchirés lui servirent de bandage de fortune. La nuit approchant lui laissa tout de même le temps de faire le tour du propriétaire avant l’obscurité. Le rez-de-chaussée disposait d’une entrée suivie d’un long couloir desservant la pièce à vivre et la cuisine ainsi qu’un garde-manger. L’étage accueillait les chambres pour toute la famille mais aucun souvenir récent n’évoquait la cause de leur départ. Le grenier fut plus révélateur. Des étagères couvertes de bocaux et des bibliothèques fournies en encyclopédies dévoilèrent l’existence d’un magicien. L’un des parents devait probablement y venir concocter quelques remèdes et étudier les vieilles formules. La visite s’acheva par la cave. Un accès y était permis depuis une petite porte en bois dans la cuisine. Fermée à clef, un coup d’épaule eut raison des planches fragilisées par les termites. Armé d’une torche, le curieux s’élança au bas des marches. Aucune fenêtre n’éclairait la pièce. L’air était humide et frais. Le réfugié découvrait pas à pas des étagères soutenant de lourds sacs en toile plein de grains. Un mur nu en pierre se dressa devant lui. Le fond de la pièce. Aucune arme, aucune vivre à part le grain tout sec. L’homme tourna le dos au mur et s’adossa lourdement en soupirant. Le retour à la capitale semblait compromis. Un clic survint de derrière son dos et la paroi sembla s’affaisser.
Un courant d’air puissant éteignit sa torche mais une lueur bleutée lui montra la voie. Une nouvelle pièce s’offrait à lui. Un plateau en bois sur un pied métallique se tenait au centre de la pièce, pour seul meuble. La lueur émanait d’un orbe sphérique, lisse et miroitante. Le regard du prince se perdit dans les méandres à l’intérieur du globe en verre. Il s’approcha suffisamment pour le toucher. Des images et de sons emplirent soudainement sa tête, comme projetés dans son espace intérieur, grondantes et envahissantes.
Palentir : Permet de regarder la nature d'une tuile encore inexplorée La légende raconte que les grandes plaines de l’ouest sauvèrent l’héritier du trône. Elle raconte aussi qu’elles protégèrent le royaume des hommes, grâces à un trésor oublié.
Aslaug – Contes & légendes
* L’illustration de cette légende représente des grandes plaines dans un royaume (3 terrains de type plaine adjacents).
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24 décembre 2021La Légende des cent tribus
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26 novembre 2021 -
La Légende des deux héritiers
La légende raconte que la guerre opposant elfes et gobelins dura cinq ans. Le peuple des bois passa à l’offensive pour des raisons territoriales. Depuis l’installation de la tribu, l’orée de la forêt n’avait fait que dépérir et reculer, cédant place à un sol infertile, humide et boueux. Les batailles se succédaient mais malgré le courage des elfes les gobelins ne cessaient de progresser plus loin dans la forêt.
La cabane de la pisteuse se trouvait à l’écart du village. Posée à même le sol, adossée à un chêne centenaire, la petite maison était aussi modeste et simple que son habitante. Celle-ci resserrait le laçage de ses bottes montantes, accroupie devant sa porte. Un conseiller du roi se planta solennellement devant elle.
– Le roi vous demande pour une audience privée.
Récupérant son arc et son carquois, la pisteuse se hâta de le suivre. Le trône en bois sculpté tout en arabesques se trouvait au fond de la grande salle du palais, lui-même flottant et soutenu par plusieurs dizaines d’ifs aussi majestueux que vieux. Le toit en saule tressé offrait une douce luminosité.
– Approche, ordonna la voix claire et autoritaire du roi elfe.
La pisteuse s’agenouilla à deux pas du trône.
– En tant que meilleure pisteuse du village et amie d’enfance du prince, tu es la mieux placée pour cette mission. Le roi se racla la gorge et continua d’un air plus grave : le prince a disparu depuis hier soir. Je pense qu’il est parti en territoire ennemi pour sa quête secrète, malgré mes mises en garde. Retrouve-le, s’il n’est pas encore trop tard.
L’elfe quitta aussitôt le village en direction du front ouest. Son devoir s’avérait ardu car ses congénères ne laissaient que peu de traces de leur passage. Mais une seule nuit la séparait du prince, l’espoir subsistait. À l’écart des chemins empruntés par l’armée, elle put déceler une piste : les traces d’une personne seule. La taille des empreintes, leur profondeur et leur distance correspondaient à un elfe de gabarit proche de celui du disparu. Leurs tracés le guidaient non pas vers le front mais à l’écart, plus dans les terres. Malgré midi, il faisait sombre. L’air était chargé de cendres et sentait la fumée. Les bruits de bataille résonnaient au loin, tels de macabres échos. Elle atteint la limite de la forêt plus tôt que dans ses souvenirs. Les traces quittaient la mousse pour se perdre dans un marais peu profond. La pisteuse tenta de contenir sa tristesse et sa colère face aux feux et aux haches qui avaient décimé cette partie de la forêt. L’humidité du sol marécageux rendait la traque plus difficile. Les pas s’enfonçaient plus profondément mais s’emplissaient immédiatement d’eau. L’elfe chercha donc de petits puits peu profonds de la taille d’un pied. En milieu d’après-midi, elle s’inquiéta de sa destination. Des drapeaux et des toiles en peaux dressées se dessinaient à l’horizon, camp arrière de l’armée gobeline. Les pas filaient vers le camp. D’autres plus frais revenaient. Elle suivit cette piste, rassurée de voir les pas de son ami s’éloigner du danger. Une plaine vallonnée s’offrait à elle. Le terrain plus stable lui permit de progresser plus rapidement et de rattraper son retard. Avant la tombée de la nuit, elle arriva à destination. Les empreintes disparaissaient dans l’entrée d’une grotte creusée dans une faille du sol herbeux.
– Je savais que tu viendrais.
La voix ricanante provenait de l’obscurité de la grotte. La pisteuse s’avança. Le prince se tenait adossé au mur, bras et jambes croisées.
– Ta présence ici prouve que mon père doute toujours de mes compétences et mon jugement.
– Il s’inquiète, c’est tout. Si tu étais tombé aux mains de ces sauvages, la guerre n’aurait servie à rien. Nous aurions perdu la forêt en plus du futur roi.
Accord diplomatique : Permet de faire cesser tout conflit entre des tribus adjacentes – Et bien justement…
Le prince se redressa et donna un coup de pied au sac en toile posé au sol près de lui. La masse gesticula et grogna. La pisteuse reconnut ce son immédiatement et dégaina sa dague avant d’adopter une posture défensive.
– Pas touche à ma proie, mademoiselle.
– Que fais-tu dans cette grotte avec un gobelin ? Tu as perdu la tête ?! D’autres t’ont peut-être suivi.
– Calme toi, tu es la seule à pouvoir me suivre. Ces nabots n’ont peut-être même pas encore remarqué sa royale absence.
Il tira sur le lien et ouvrit le sac, dévoilant une petite silhouette verte recroquevillée et entravée par une fine corde solide.
– Regarde ça : teint clair, absence de cicatrices, vêtements en cuir de première qualité, dormait dans la plus grande tente du campement. Je te présente monsieur le prince gobelin. Une monnaie de choix pour s’acheter la paix, tu ne trouves pas ?
La légende raconte que la guerre opposant elfes et gobelins dura cinq ans. La reddition du roi gobelin eut lieu au solstice d’été. Un accord diplomatique fut signé : le peuple gobelin dû trouver un nouveau lieu de vie en échange de la vie de leur prince. La forêt porte encore les stigmates de la guerre, mais les bons soins du peuple elfique tentent d’en effacer les traces.
Aslaug – Contes & légendes
* L’illustration de cette Légende représente une bataille légendaire entre le peuple Elfe et le peuple Gobelin.
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La Légende du marteau divin
La légende raconte que l’origine du marteau divin repose en l’alliance inattendue d’une humaine et d’un nain. Chaque année, la capitale du royaume des hommes organisait le grand concours de l’artisanat. Devant la bâtisse en colombages, aux voûtes boisées torsadées, une foule s’était attroupée. Il était difficile de se frayer un chemin jusqu’au panneau d’affichage de la chambre des métiers. Une jeune femme se faufila en jouant des coudes et en se contorsionnant. Elle portait un chemisier blanc simple, rehaussé d’un corsage en cuir lacé et un pantalon bicolore en velours. Malgré son apparence soignée, des cernes sous-lignaient ses yeux bleus et ses mains portaient les marques d’usure d’une travailleuse acharnée. Sous le panneau, un panier contenait des jetons ronds en bois portant un numéro unique côté pile et le portrait du maître de la guilde des marchands côté face. Elle plongea la main dedans pour saisir le dernier jeton, élément indispensable pour participer au concours du meilleur artisan de l’année et ainsi asseoir sa notoriété. Une deuxième main saisit le bord opposé du jeton, plus trapue et légèrement velue.
– Non, celui-ci est à moi, femme humaine !
Remontant son regard le long du bras de son antagoniste, elle découvrit l’origine nanesque de son adversaire.
– Je l’ai vu en premier, monsieur le nain.
Aucun ne lâcha le jeton, tirant et luttant avec acharnement. Presque front à front, ils se fixaient intensément.
– En tant que meilleur apprenti forgeron, je me dois de participer au concours.
– Et bien, il en va de même pour ma part. Voyez-vous, je suis la meilleure de ma promotion de joaillier.
Un claquement de main interrompit la dispute. Sur le seuil se tenait l’initiateur du concours.
– Vous n’avez qu’à faire équipe. Vous avez trois jours pour proposer une création commune.
Ils échangèrent un regard entendu et une poignée de main. Le nain accepta le marché, étant donné que ce n’était pas une elfe. L’humaine releva le défi, voulant tirer avantage du talent de forge des nains. Après répartition des tâches, ils se séparèrent. Elle gagna son atelier, s’assit au bureau incliné et dessina toute la journée. Compas et équerres se succédaient sur le parchemin, donnant naissance trait par trait au schéma de leur futur chef d’œuvre. Lui, de son côté, visita chaque marché de la ville, en quête du meilleur minerai ou alliage de la capitale. Il fit le tour des scieries pour dénicher le meilleur combustible afin d’allumer un brasero digne de leur projet. Il fouilla la forge de l’académie toute la nuit, dans le but de dénicher les outils les plus résistants et équilibrés qui puissent exister. Comme convenu, ils se retrouvèrent à l’aube à la taverne, autour d’un plateau de fromage et de charcuterie, pour partager leurs avancées. L’humaine déroula un parchemin sur la massive table en bois, dévoilant un schéma détaillé d’un marteau runique richement décoré.
Le nain resta silencieux, bouche bée quelques secondes face à tant de précision et de perfection. Puis il sauva son honneur en énumérant ses merveilleuses emplettes de la veille. Tout était prêt pour la fabrication. Ils passèrent la journée suivante à la forge. L’humaine fit les cent pas toute la matinée durant, attendant de pouvoir sculpter la première partie : le manche. Le nain acheva de le forger à midi puis passa au corps de l’arme. Elle, tailla de fines arabesques en couronne autour du manche. Des rubis ovoïdes décorèrent les bords. Lui, termina le corps du marteau en fin d’après-midi, véritable lingot brillant aux contours lisses. De petites facettes hexagonales arrondissaient les extrémités.
L’arme baigna toute la nuit dans un tonneau d’eau froide avant de passer entre les mains de l’apprentie joaillière pour les finitions. Avec une lame aiguisée, fine et longuement chauffée, elle dessina des runes carrées tout autour du corps du marteau, caractères utilisés dans des temps anciens. Il était fin prêt.
De nombreux objets furent soumis au concours, déposés sur l’établi dressé devant la chambre des métiers : armes, pièces d’armures, habits et chaussures, bijoux et ceintures. Les juges examinèrent les pièces une par une, soulevant, sous-pesant, retournant, scrutant à la loupe chaque détail. La délibération prit plus d’une heure. Une annonce mit fin à la longue attente des participants. Le crieur se racla la gorge et lut son parchemin :
– Mesdames et messieurs, les maîtres ont désigné le vainqueur du 18e concours de l’artisanat. Sa création sera soumise aux bénédictions du roi et de la reine ainsi qu’aux prières du temple. Puis il sera vendu aux grandes enchères du printemps. Le vainqueur, ou plutôt les vainqueurs de l’année, sont des apprentis forgeron et joaillier, le jury ne peut que saluer leurs talents. Voici leur création.
Le petit homme à la grande voix souleva l’objet au-dessus de sa tête, présentant le marteau à la vue de tous.
La légende raconte que l’origine du marteau divin repose en l’alliance inattendue d’une humaine et d’un nain. Soumis depuis à de nombreux rituels et bénédictions, l’objet aurait, paraît-il, acquis des capacités extraordinaires.
Aslaug – Contes & légendes
* L’illustration de cette Légende représente une alliance entre le peuple Humain et le peuple Nain.
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La Légende des quatre familles
La légende raconte qu’il dû gravir seul la pente de la montagne à la recherche de l’entrée de la grotte. Le ciel dégagé aidait son ascension mais le froid mordant de l’air hivernal faisait rougir ses joues et engourdissait ses doigts. Le nain suivait attentivement les instructions topographiques de sa famille. Après le col des trois vallées, il avait longé la crête dentelée, gagné la forêt en longeant le torrent vert et bifurqué vers la cime du nord. Son rythme et sa motivation ne flanchaient pas malgré l’effort, car l’honneur de sa famille et la victoire contre l’envahisseur dépendait de lui.
– Jeunes représentant des quatre familles, bienvenue, clama la voix autoritaire mais calme du roi nain. Je vous ai réunis aujourd’hui pour vous attribuer à chacun une mission de la plus haute importance.
Les quatre nains demeuraient agenouillés face à leur roi, les mains croisées reposant sur leurs marteaux dressés au sol, arborant les armoiries bestiales de leur lignée. Le basilic, le griffon, le Léviathan et le golem. Le monarque repris son discours dont l’écho rebondissait sur chaque colonne de pierre soutenant la voûte cathédrale de la longue salle du trône :
– Comme vous le savez, les gobelins gagnent du terrain, la ligne de front recule. Leur surnombre les avantages. Les stratèges prévoient l’invasion de la capitale dans six jours si nous ne faisons rien. Chacun d’entre vous se verra attribuer une mission secrète. Vous ne pouvez pas échouer. Votre vie, nos vies et celles de votre famille en dépend.
Les quatre portes latérales de la salle grincèrent en s’ouvrant. La lumière invita chaque nain à gagner celle comportant l’emblème de sa maison. Derrière la porte du griffon, l’aîné de la famille découvrit la silhouette voûté de son grand-père.
– Viens t’asseoir et écoute attentivement.
Le jeune s’exécuta et mémorisa les paroles et les conseils de son ancien. Une carte lui fut remise, ainsi qu’un lourd sac de provisions, un sifflet et un tonnelet d’huile.
– Maintenant pars, trouve la grotte du griffon, combat le pour qu’il t’obéisse et brûle les réserves du camp ennemi. Toute la famille compte sur toi. Le roi lui-même t’implore de réussir.
Elle était là, au creux d’un replat, l’entrée béante de la grotte creusée dans la roche, l’antre du griffon. Le nain resserra sa prise sur le manche de son marteau. Il réveilla son courage d’une grande inspiration, supportant la brûlure de l’air dans ses poumons et pénétra dans l’ouverture sous la montagne. Des bruits lugubres parvinrent à ses oreilles, tandis que ses yeux tentaient de s’habituer à l’obscurité. Des os craquèrent. Le bec claqua. La chair se déchira. Il distingua bientôt la silhouette féline surplombée d’imposantes ailes repliées au plumage bicolore.
Occupé à son repas, le griffon ignora sa présence. Le nain empoigna son marteau d’une main et tira sur son collier de l’autre. Un sifflet forgé en acier pendait à la chaîne autour de son cou. Il le porta à ses lèvres et souffla vivement. Un cri perçant résonna dans la grotte. La bête se redressa instantanément et répondît d’un sifflement plus perçant encore. Mais en découvrant la silhouette nanique, son hostilité reprit le dessus. Les deux ailes s’ouvrirent, il bomba le poitrail et se dressa sur ses deux pattes arrière de fauve, présentant deux serres aiguisées aux yeux de sa future victime. La patte avant gauche fendit l’air. Le nain bondit de côté, frappant la serre avec son marteau pour en dévier le coup. Il siffla à nouveau. La chimère recula en secouant la tête avant d’attaquer à nouveau. Le bec pointu désarma le bipède d’un estoc précis. Le nain fut violemment projeté contre la paroi rocheuse de l’antre. Malgré la douleur dans ses côtes, il continuait de siffler, constatant l’ardeur du griffon diminuer. La respiration du fauve à tête de rapace se calma. Son corps musclé se détendit et ses pattes fléchirent. L’animal se coucha, le buste toujours droit, n’abandonnant pas sa fierté dans la soumission. Le nain resta longuement silencieux, le sifflet toujours serré au creux de ses lèvres. Sa douleur fut éclipsée par l’émerveillement face à cette majestueuse créature. La bête l’observait calmement, le jaugeait. Il contourna l’imposant bec et s’approcha du flanc couvert de fourrure. Il tenta de calmer les tremblements de sa main et la déposa fermement mais doucement sous l’omoplate velue. L’absence de réaction le conforta dans son élan et il se hissa sur son dos. À peine eut il le temps de passer ses jambes de chaque côté de la croupe que le griffon se leva et déploya ses ailes. Les mains du nain enserrèrent rapidement deux épaisses touffes de poils dans le dos de l’animal et il se blottit fermement. Sans crier gare, la chimère s’envola en un violent tourbillon d’air et fila hors de la grotte, guidé par les pensées de son cavalier d’un jour.
La légende raconte qu’il dû gravir seul la pente de la montagne à la recherche de l’entrée de la grotte. Qu’il dû apprivoiser seul le griffon et gagner le camp ennemi afin de renverser le cours de la guerre. Les quatre familles s’illustrèrent contre les gobelins, à l’issue de laquelle le roi s’engagea à faire de l’un d’eux son successeur.
Aslaug – Contes & légendes
* L’illustration de cette Légende représente une bataille Légendaire entre le peuple Nain et le peuple Gobelin.
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9 décembre 2021La Légende des marais sanglants
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La Légende des marais sanglants
La légende raconte que le roseau carmin, endémique de la région lacustre, donna son nom aux marais sanglants. Leurs longues tiges vertes surplombées de pompons rouges bordaient chaque vasque et canaux qui creusaient les méandres labyrinthiques des marécages. Friandes du climat et du sol de glaise, leurs tiges plongeaient dans l’eau trouble et prenaient racines dans la boue. La vaste étendue des marais offrait une étonnante mosaïque alternant tâches miroitantes et tâches rougeâtres. Rares étaient les visiteurs, car même les gobelins y perdaient leur chemin. L’excursion se tint tout de même de nuit, pour éviter à la poignée de volontaire de faire de mauvaises rencontres. Les torches et la lune brillaient comme des yeux de félins au creux des puits d’eau. Les trois hommes, le jeune, le sage et le muletier avançaient précautionneusement. La mule supportait sur ses flancs deux paniers d’osier profonds. Une quête vitale les avait poussés à braver les lieux, dangereuse intrusion en territoire ennemi.
La veille, à la porte de l’herboristerie, une foule agitée aux visages protégés d’un bout de tissu en lin avait eu raison de stocks de pollen carmin. L’alchimiste les chassa par de grands mouvements de bras.
– Il n’y a plus de médicament. Revenez au prochain réapprovisionnement ou allez les cueillir vous même ! Je ferme boutique.
– Mais monsieur, insista le jeune, ma mère a de la fièvre depuis maintenant trois jours.
– Et mon fils, rétorqua le muletier, il saigne par tous les orifices.
– N’y a-t-il aucun autre remède à cette maladie, cette malédiction ? Questionna le sage.
– Non messieurs, seule la poudre rouge peut éteindre le feu dans le sang. Je vous conseille les marais sanglants pour la cueillette. Bonne chance !
L’herboriste disparut et la porte claqua. Les trois hommes restèrent silencieux en échangeant des regards inquiets mais animés par la détermination.
La femme du sage tira énergiquement sur sa manche.
– Tu ne comptes pas y aller ?
– C’est trop dangereux ! Ces marais sont maudits. Personne n’en revient indemne.
– Imagine si c’était toi. Ne mangeant plus, ne dormant plus, à l’agonie au fond de ton lit. Tu connais cette plante. Tu dois y aller.
Le sage se tourna vers le muletier.
Monsieur, votre présence m’aiderait grandement. Une cargaison complète de votre mule suffirait à sauver la ville.
– Je viens aussi, intervint le jeune. Je me charge des gobelins !
Le trinôme de volontaires décida de prendre la route à l’aube et gagner les marais à la tombée de la nuit.
Après une heure de marche et plusieurs désembourbages de la mule, les roseaux carmin tant attendus s’offrirent à eux. Équipés de couteaux, ils entreprirent de récolter l’extrémité de la tige, cylindre plus épais couvert de la fameuse poudre curative. Les paniers se remplissaient. Le calme régnait. Seul le bruissement des tiges trahissait leur présence. Le filon épuisé, tout trois avancèrent jusqu’à la prochaine vasque. Celle-ci était bien ronde, aux bords réguliers. Trop réguliers. Des pierres sculptées de taille similaire démarquaient les limites de l’étendue aqueuse. Une rune apparaissait sur la surface lisse de chaque dalle. L’arrondi parfait et les inscriptions runiques ne laissaient aucuns doutes. Le plus âgé des hommes se pencha et approcha sa torche.
Portail Magique : Permet de faire communiquer les cartes adjacentes au portail. Il est écrit : âmes courageuses, franchissez la voûte ; vers ma jumelle vous serez transportés.
La légende raconte que le roseau carmin, endémique de la région lacustre, donna son nom aux marais sanglants. Elle raconte qu’un portail y reposant fut un jour la clef de la victoire des hommes contre les gobelins.
Aslaug – Contes & légendes* L’illustration de cette légende représente de grands marais dans un royaume (3 terrains de type marais adjacents).Vous pourriez aussi aimer
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La Légende des gemmes volées
La légende raconte que le cœur de la montagne abritait d’incroyables gemmes. Mais aucun nain n’avait creusé assez loin pour mettre la main dessus. Et bon nombre tentèrent l’aventure mais revinrent bredouille ou chargés de trésors plus modestes. La porte en pin claqua, arrachant un cri au souverain des mines.
– Mon Roi ! C’est terrible, la clef… la clef dorée a disparu, hurlait le maître des clefs, à peine compréhensible.
Le nain en pyjama était essoufflé, transpirant et le blanc de ses yeux écarquillés rivalisait avec la lividité de sa peau. Il en oubliait même le respect dû à son chef, la bienséance ayant cédé à la panique. L’intrusion nocturne dans la chambre du roi était sans précédent, autant que la situation frisait la catastrophe pour les finances du royaume. L’ex-endormi se souleva péniblement de sa couche et enfila une peau d’ours. Il ordonna un comptage immédiat du trésor. Car la clef dorée n’ouvrait pas n’importe quelle porte parmi les innombrables pièces ponctuant les galeries sinueuses de son royaume. Subtilisée pendant la nuit, cette clef ouvrait la porte en acier épaisse et renforcée de la salle aux trésors.
Le Voleur : C'est un personnage qui permet d'aller voler une tuile objet chez un autre joueur L’inventaire se tint donc de nuit, difficilement, à la lumière des torches. Chaque écu d’or brillant de mille feux fut compté, empilé et rangé. Chaque gemme taillée aux couleurs flamboyantes fut pesée et replacée. Tout semblait étrangement en ordre. Seules quelques pierres précieuses et uniques attirèrent l’attention des nains. Il s’agissait des pierres de puissance, terriblement convoitées de tous et réunies au prix de lourds sacrifices, de longues guerres et de profondes explorations. Elles n’avaient en réalité pas disparu. Mais leur examen révéla qu’il s’agissait de pâles copies : une taille irrégulière, une surface rugueuse moins réfléchissante et surtout un poids amoindri. Sans la disparition de la clef dorée, ce furtif échange serait peut-être passé inaperçu.
Deux équipes furent formées : la première quitta la mine immédiatement pour tenter de rattraper le voleur, la deuxième regroupait les meilleurs mineurs. Un plan massif allait être lancé pour recouvrer leur puissance dérobée. De nouvelles galeries seraient creusées, en quête des trésors de la montagne.
L’équipe de mineurs remonta la grande galerie et emprunta le puits, infini escalier en colimaçon taillé dans la roche descendant vers les profondeurs. L’air devenait sec et plus lourd au fur et à mesure qu’ils progressaient. Les galeries se resserraient en boyaux sinueux et bas de plafond. Ils ne purent bientôt que se suivre en rang d’oignons, forcés par l’étroitesse de l’ultime galerie. Le premier ouvrait la voie, brandissant une torche. Le deuxième poussait un chariot débordant de pioches. Le troisième serrait très précautionneusement contre son sternum une caisse en bois illustré d’un pictogramme rouge inquiétant. Le dernier fermait la marche, un peu en retrait, afin de maintenir une distance certaine entre sa torche et son prédécesseur. Le bout du tunnel s’élargit en une salle ovale plus respirante. Le chemin s’arrêtait là. Aucun mineur n’avait creusé plus loin ou plus profond que ce point-là. Ils prirent leur casse-croûte, à base de pain et de fromage, avant de commencer à creuser. Les pioches piquaient la roche, des blocs tombaient, le chariot allait et venait. Les quatre travailleurs avançaient sans relâche. Après deux jours à creuser à la sueur de leur front et à la force de leur bras, ils rencontrèrent une roche trop résistante pour leurs outils conventionnels. La dynamite fut de mise. Le troisième nain prépara l’explosif en plaçant plusieurs foyers le long de la paroi puis en déroulant méthodiquement la ficelle détonante de manière à pouvoir faire feu depuis la salle ovale. Une fois la mèche allumée, ils regardèrent tous les étincelles s’éloigner en silence, retenant leur souffle en attendant la détonation.
De retour au fond de la nouvelle galerie, une montagne de gravas et un nuage de poussière bouchait la vue. Le chariot fut de nouveau réquisitionné, rempli de morceau de roche, acheminé et vidé dans la salle ovale. En dégageant les débris, un nain perçu la fin du labeur. Un mince filait d’air glissait entre les pierres, annonçant une ouverture prochaine. Quelques heures de travail supplémentaires permirent de sortir le reste de rochers. La cloison plus solide détruite par la dynamite, à leur grande surprise, leur offrit des horizons bien plus vastes. Là, devant eux, une petite galerie s’ouvrait, s’enfonçant dans l’obscurité, ils n’en voyaient pas le bout. Elle était aussi large que haute, aux contours réguliers, il s’agissait d’un travail de nain, cela ne faisait aucun doute. Cette découverte les laissa sans voix. Seul le courant d’air sifflant dans la galerie brisait le silence. Après discussion, deux nains firent demi-tour afin d’informer le monarque de leur avancée et découverte. Les deux autres partirent explorer cette nouvelle voie. Quelques centaines de mètres plus tard, une lumière flamboyante renforça leur torche, droite devant eux. Une silhouette apparut à la sortie d’un virage. Deux yeux brillants ébahis, une barbe ondulée se perdant dans un pourpoint noirci, une poigne de fer brandissant une lampe à huile, habillée d’une chevalière différente de la leur.
La légende raconte que le cœur de la montagne abritait d’incroyables gemmes. Mais en partant à leur recherche, certains trouvèrent un trésor fait de chair et d’os. Le cœur de la montagne fut le théâtre d’une rencontre inattendue, signant une nouvelle alliance pour le peuple nain, convaincus qu’elle était destinée.
Aslaug – Contes & légendes
* L’illustration de cette Légende représente un Royaume de Nains (la présence de deux tribus naines côte à côte)
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La Légende de la concubine et du garde du corps
La légende raconte que le village à l’extrême est de l’empire était le grenier des hommes. Bon nombre de lignées d’agriculteurs et d’éleveurs se succédaient sur ces plaines fertiles. À l’écart de la capitale, le bourg traversait les âges dans la tradition du travail de la terre. Hommes et femmes s’acharnaient toute la journée dans les champs, labeur toujours récompensé par les fêtes saisonnières et autres festivals des vendanges. La famille du bout du hameau comptait quatre membres. Le père, lui-même fils de céréalier, cultivait du blé avec l’aide de sa femme, son fils aîné et sa fille.
Ce matin-là, il fut le premier dans les champs. Démarrant la récolte à grande brassée de faux, il n’aperçut pas un seul de ses voisins sur les parcelles attenantes. Après avoir formé un premier ballot, il comprit la raison de l’absence des autres travailleurs. Les épis se délitaient entre ses doigts, les grains de blé s’écrasaient à la moindre pression, suintant d’un liquide brun. Au même moment, il réalisa que ses bottes s’embourbaient dans le sol trop humide pour ses céréales. Le phénomène ne lui était pas étranger. L’année passée, la fin de la récolte fut perdue de la même manière. Sans pluie ni inondation, le sol s’était mystérieusement gorgé d’eau et l’excès d’humidité avait fait moisir les grains sur pieds. Mais cette fois, la récolte démarrait tout juste. La totalité de son travail semblait compromis. S’il ne pouvait sauver un minimum de grain, les futures récoltes aussi s’évaporeraient comme un rêve au réveil. Il abandonna ses outils sur place et quitta son champ en toute hâte, manquant de glisser sur ce terrain boueux.
Sur la place du village, bordée par la taverne et la maison du maire, les autres agriculteurs se pressaient déjà. Les voix s’élevaient en revendications pleine de colère, cachant à peine leur inquiétude grandissante. Le constat fut rude. Toutes les parcelles cultivables souffraient du même mal. Seuls quelques gens avaient pu récolter des grains encore verts, préservant la future semence. Le conseil des anciens fut réuni de toute urgence pour un sommet de crise. La foule s’impatientait devant la petite bicoque en bois du maire. Après une heure de délibération, il apparut sur le seuil, les bras levés vers le ciel pour réclamer le calme nécessaire à son allocution.
– Les anciens ont parlés. Aucune solution n’a été écartée, mais une option demeure la seule pour sauver le village. Nous savons tout l’amour que vous portez à vos terres, vos maisons, héritages de vos parents. Mais il est temps de les laisser reposer en paix. La terre a parlé. Nous ne sommes plus les bienvenus. L’émissaire part quérir l’aide de notre souverain dans l’espoir de se voir attribuer d’autres terres plus fertiles. Les dix jours qui lui seront nécessaires pour parvenir au château doivent vous servir à récupérer chaque grain qui peut être sauvé et à préparer vos affaires. Chers amis, ce n’est pas une défaite, c’est un renouveau.
En quête des bonnes grâces du souverain, le père de famille envoya ses deux enfants accompagner l’émissaire, estimant son aîné comme le plus vaillant du village et sa cadette comme la plus belle. Il regagna son champ en couple, tentant de sauver les épis qui pouvaient encore l’être.
Dix jours après, tous guettèrent le retour de l’émissaire. Le village n’était plus que l’ombre de lui-même. Les commerces n’ouvraient plus. La taverne fut réquisitionnée pour stocker les sacs de grains. Aucun feu de joie ne brûlait le soir. Mais des flammes brûlaient parfois dans la journée, au sommet de hautes piles de ballot, au milieu des champs. Le cavalier revint seul, il était midi. Cette fois-ci, tous attendirent en silence sur la place. L’anxiété se lisait sur les visages fatigués. Cette fois-ci, à sa sortie, le maire n’eut nul besoin de réclamer l’attention des villageois. Les yeux cernés le fixaient avidement.
– Bonne nouvelle, le roi accepte de nous accueillir sur les terres du château. À quelques conditions seulement…
Le soulagement fut bref. Des chuchotements perturbaient le silence. Le village n’avait rien à offrir qu’un souverain ne dispose déjà. Chacun craignait que le prix demandé soit au-dessus de leurs moyens.
– Un quart des productions seront réquisitionnées par le château. Céréales et bétail. Le reste des productions pourront être vendues au marché du château. Mais une taxe de dix pourcents sera appliquée aux bénéfices.
Un murmure de désapprobation s’éleva de la masse. Mais la gravité de la situation impliquait des sacrifices à sa hauteur. La foule se calma d’elle même après quelques minutes.
– Une dernière chose… Agréablement surpris par le potentiel de nos jeunes, le roi souhaite faire de sa concubine et son garde du corps nos deux voisins qui accompagnaient l’émissaire. Cela explique leur absence. Ils sont actuellement invités au château en attente d’accord.
Cette fois-ci, tous les regards se tournèrent vers le père de famille du bout du village. Céder son fils et sa fille revenait à se priver d’une précieuse main d’œuvre. Chacun le savait. Avant qu’il ne puisse protester, ses voisins vinrent spontanément proposer leur aide. Le fils de l’un viendrait lui prêter main forte chaque lundi de la semaine. Un autre s’engagea pour le mardi et ainsi de suite. Alors que l’espoir de tout le village reposait sur lui, il ne put refuser l’offre du roi.
La légende raconte que le village à l’extrême est de l’empire était le grenier des hommes. On raconte aussi qu’il fut le village natal de la concubine et du garde du corps du roi des hommes, célèbre pour avoir rallié des régions longtemps divisées par des querelles de territoire.
Aslaug – Contes & légendes* L’illustration de cette Légende représente un Royaume d’Humains (la présence de deux tribus humaines côte à côte)
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La Légende de la troisième aube
La légende raconte que le combat dura trois jours et deux nuits. Les griffes et les flammes avaient lutté avec acharnement contre les filets et les flèches. L’un protégeait son territoire, les autres assouvissaient leur soif de conquête. Bien que techniquement et mentalement préparés, les hommes se trouvèrent en forte difficulté face à un dragon leur opposant toute sa force et sa rage.
La première journée, le bataillon d’archers débusqua l’immense reptile. La bête dormait dans le sillon laissé par une ancienne rivière, au creux de gorges calcaires. Son souffle était lent et régulier. Ses écailles sombres dansaient au rythme de sa respiration, seul signe de vie au sein de son immense carcasse froide. Prévenus rapidement, les hommes du deuxième bataillon gagnèrent les gorges, armés de piques et de filets. La première journée ne fut que succession de filets lancés, déchirés, remplacés et de piques brandies, brisées encore et encore. Tirée de son sommeil, la bête féroce se débattit de toutes ses forces bien que cernée de silhouettes en armures armées jusqu’aux dents. Aucune pointe ni flèche n’eut raison de ses épaisses écailles alignées aussi ingénieusement qu’une côte de mailles. Ils ne réussirent qu’à le fatiguer au prix de lourds sacrifices matériels et humains.
Au camp de base, la première journée touchait à sa fin dans une agitation inhabituelle. Les blessés se rassemblèrent sous le chapiteau médical. Le commandant des armées convoqua le bataillon d’élite. L’unité ne comptait que quelques membres aux talents divers. Leur périlleuse mission consistait à survivre une nuit face au dragon et ainsi contenir sa fureur hors de portée du camp. Les quatre membres vêtus d’une armure légère en cuir noir ponctuée de lacets et de clous prirent la route accompagnés des dernières lueurs du jour. Dans le vallon, des bruits de combats perduraient, des flammes éclairaient ponctuellement les falaises claires.
Le bataillon amoindri et fatigué laissa volontiers la place aux quatre guerriers. Un marathon débuta. Chacun se positionna tout près d’une patte du dragon. Usé par sa journée de lutte, celui-ci tentait de les maintenir à distance par des coups de griffes réguliers. Les hommes reculaient, esquivaient puis se repositionnaient. Un filet entravait l’une des ailes du reptile, le privant de toute tentative de fuite par les airs. D’un grand mouvement de queue, il faucha les deux combattants sur ses arrières. Puis reculant son immense crâne hérissé de pics, il prit une longue inspiration qui semblait aviver des braises au fond de sa gorge. Allongeant son cou et ouvrant sa mâchoire, il s’apprêta à faire feu. Une flèche siffla et percuta sa mandibule si fort qu’elle dévia le souffle ardent vers le ciel. L’un des guerriers balayé par la queue du dragon avait roulé sous son corps. Allongé dos au sol, il put exécuter parfaitement son tir de déviation à l’aide d’une arbalète en chêne. Malgré de nombreuses tentatives pendant la nuit, aucune de leurs armes n’eut raison de l’armure d’écailles de la bête. Après de longues tentatives de blesser la bête, ils se replièrent, relevé par un bataillon de lanciers reposés, dès les premiers rayons de soleil.
De retour au camp, le commandant accueillit les quatre guerriers et leur pronostic. Aucune arme en leur possession ne leur offrirait la victoire. La conquête semblait fortement compromise. La journée se passa comme la première. Les bataillons se succédaient pour occuper la bête. Un émissaire fut envoyé en quête d’aide. Une rumeur courait au sujet d’un elfe, dresseur de dragon. Le cavalier le plus rapide se lança à sa rencontre. Aussi sûr de sa monture que de sa capacité à convaincre l’elfe de les aider, il assura le commandant de son retour pour la troisième aube. Celui-ci assura à son tour au bataillon d’élite qu’ils n’auraient à occuper le dragon qu’une seule nuit de plus, que la solution viendrait à eux avec le jour.
Aucun d’eux n’avait menti. Le combat dura toute la nuit, les guerriers luttèrent pour leur survie face à un dragon toujours féroce. L’un d’eux fut brûlé au bras droit, le cuir semblant fusionner avec sa peau.
Un autre écopa d’une large entaille sur la cuisse, souvenir d’une griffe de dragon. Les deux autres s’en sortirent avec de nombreuses ecchymoses au torse et aux bras. Mais leur sauveur arriva avec la troisième aube, comme promis. Une silhouette encapuchonnée et à l’abri sous une longue cape marron gagna les gorges, transportant pour seul bagage un paquet allongé emballé dans un tissu beige. Il s’approcha rapidement, laissant retomber sa capuche sur ses épaules, dévoilant de longues oreilles pointues habillées d’une abondante chevelure dorée. Le linge de son paquet fut dénoué et déroulé, dévoilant un long bâton de bois noueux, surmonté d’une gemme translucide.
Bâton de commandement : Permet de domestiquer instantanément un Dragon. Un silence funèbre s’installa, stoppant même le chant des oiseaux. L’elfe brandit l’artefact haut devant lui et le balança lentement de la gauche vers la droite. Les yeux plissés du dragon s’arrondirent, de même que ses pupilles rivées sur la pierre précieuse au bout du bâton. La rage dont il eût fait preuve jusqu’alors disparut, enfouie en lui aussi longtemps que l’éclat du bâton brillerait devant ses fines pupilles noires.
La légende raconte que le combat dura trois jours et deux nuits. La bataille prit fin grâce à l’alliance des hommes et des elfes, scellée par la promesse d’un partage équitable des gains. Les hommes purent jouir des territoires délivrés du joug de la bête. Les elfes, quant à eux, regagnèrent leur forêt avec le plus beau trophée vivant jamais rapporté.
Aslaug – Contes & légendes* L’illustration de cette Légende représente une alliance entre les Elfes et les Humains.
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